Le silence

SILENCE,

Cet article, divisé en quatre parties, portera ses fruits après trois lectures attentives (des quatre parties) espacées dans le temps.

« Ceux qui désirent découvrir en soi les facultés spirituelles doivent commencer par établir en eux-mêmes le « SILENCE ».

Ceci revient à dire que l’on doit arriver à supprimer pendant un temps déterminé toutes les pensées qui viennent surgir dans la conscience sans y être appelées. » Pierre de VONGA in La voie mystique, p.101, N°1 ET 2. Édit. Appelboom & Cie. 1942 Lyon.

Toute fixation de la pensée sur une image, sur un symbole, sur une idée quelconque aboutit à des phénomènes dont il n’y a pas lieu de se réjouir, contrairement à ce que font de nombreux chercheurs dont la sincérité n’est pas mise en doute. L’étude de la vie intérieure de certains sages nous montre les luttes qu’ils ont enduré contre les images cultivées antérieurement Robert LINSSEN, Bouddhisme Taoïsme et Zen. P 211. Éditions Le Courrier du Livre. Paris 1992.

Le silence, voilà un mot qu’il ne faut pas prononcer dans les fêtes foraines ou les raves parties dans lesquelles éclate cette musique tonitruante qui fait frémir le corps tout entier et pousse les tympans aux limbes de l’explosion. Actuellement, parler du silence ou même d’un léger bruit agréable tel le chuintement presque inaudible des caresses soyeuses sur un tissu de velours c’est se mettre en conflit avec les générations de seize à vingt-cinq ans. Évidemment, si cette étoffe arachnéenne enveloppe le corps d’un possible partenaire sexuel, c’est une autre histoire. Notre jeunesse sautillante accepte alors de « tirer » sur un « joint » pour sortir de l’agitation et ainsi glorifier son ardeur vénérienne sur le fond ardent d’une triviale musique de chambre.

Donc, le silence est jeté à la porte par les videurs du groupe juvénile car il est mal compris comme ces surdoués de nos écoles élémentaires qui ne peuvent entrer dans le moule imposé par les Académies.

Mais enfin, qu’est-ce que le silence ? Généralement il est associé au manque de bruits ambiants. Compris de cette manière il pourrait être intégré aux objectifs des partis politiques écologiques qui traquent les décibels ou au fameux cri d’un maître d’école quand le chahut prend des proportions inquiétantes : « Silence dans la classe ! »

Pourtant le silence ne concerne pas uniquement l’ambiance extérieure dans laquelle nous vivons. Il fait aussi partie intégrante de notre monde intérieur, de celui de nos corps et de nos pensées si mal connu par la plupart d’entre-nous. La bonne santé du corps, dit-on c’est le silence des organes. Ce que l’on sait moins c’est que la bonne santé psychologique est de savoir faire le silence dans sa tête. C’est donc pour parler du silence d’une manière plus approfondie, plus interne aussi qu’il nous a paru nécessaire d’écrire ces quelques pages

aussi 1972.t.quée sur ses textes classiques. é Breton on peut lire: philosophale achevée grace aux qut aussi dénommé la t

Qui n’a fait l’éloge du silence ? Assurément de nombreux auteurs parlent d’un amour silencieux ou d’une souffrance tout aussi silencieuse. De même la misère se réfugie dans un silence douloureux. Quant au sein de la masse électorale qui ne se manifeste jamais, celle qui est dite silencieuse, et qui vote avec un bulletin blanc elle n’est évidemment pas entendue. Ne croyez pas que le silence blanc soit l’ensemble des bulletins sans voix, c’est la neige, celle qui recouvre tout d’un linceul, et ensevelit nos espoirs, nos peines, nos amours, nos désamours. Le silence s’inscrit aussi dans la poésie : « Un soir, t’en souvient-il, nous voguions en silence… » disait Lamartine. Amour, souffrance, misère, lyrisme sont espaces de silence dans lequel s’inscrit le cheminement non verbal de la sensibilité humaine.

Plus personne n’ignore que les enfants vivent dans une société où l’élément sonore est magnifié. Le conditionnement est tel que certains ne peuvent se concentrer pour étudier qu’avec un fond musical. Le silence les dérange, les rend nerveux et les empêche de faire leurs études. Ils sont nés dans un milieu où les médias les gavent de musique trop souvent médiocre, car la véritable musique est l’art de combiner les sons sur un canevas de silence, c’est harmoniser les bruits entre eux afin de les rendre agréable à l’oreille. Comment, dans une dure cacophonie au rythme lancinant, est-il possible de connaître la valeur du silence ? Comme les langues étrangères, le silence pur est à découvrir dès la plus petite enfance. Pourquoi ne pas apprendre, entre deux rondes ou comptines, à jouer au silence ?

Les parents des petites têtes blondes risquent de ne pas comprendre. Pourquoi enseigner à ne rien dire à nos bambins ? N’y a-t-il pas là un risque de ne plus savoir se servir de sa pensée, et donc de mettre en position de faiblesse nos enfants, dans une société où l’intellect domine ?

L’incompréhension et la peur proviennent du sens donné au silence. Pour la majorité c’est négatif alors que parler est nécessairement du positif. On croit que le silence c’est rien dire. En réalité, c’est dire autre chose autrement. Cela va même un peu plus loin sur le plan de la santé mentale puisque à l’occasion du silence il y a libération de la pensée muette en contact avec une immensité insoupçonnée. C’est pourquoi de ce mutisme est née la mystique.

Être mystique ce n’est pas se balader les cheveux longs en délirant dans des vapeurs d’encens avec un « pétard » entre les dents !

« L’étymologie révèle le sens du terme mystique (mystès) datant du XIVe siècle ; et désigne l’initié aux valeurs divines. Ces connaissances sur l’absolu étant ésotériques, l’adepte est tenu de garder de ce fait le silence à leur propos. Mein ou Myrein, signifie « fermer », « être fermé », « fermer les yeux » aussi bien que « fermer la bouche ». Selon Plotin, le mystique a les yeux fermés. Il voit donc, dans le silence intérieur, avec les yeux de l’âme alors que les yeux physiques sont clos. Le verbe grec myô (qui donna mystikos) veut dire en effet aussi bien « fermer les yeux » que « la bouche ». Myô est formé par l’onomatopée mu, qui symbolise un son inarticulé que l’on retrouve dans le mot muet. »[1]

Cette attitude « La bouche fermée » caractérise dont toutes les mystiques, et la mystique expérimentale en particulier qu’est l’alchimie ou hermétisme puisque l’alchimie aurait été inventée par Hermès Trismégistes. D’ailleurs le mot fermé, dans le sens de secret, est directement issu de la pratique alchimique. Il est en effet nécessaire de bien fermer le ballon à un moment donné, ce qui a donné son nom à la fermeture hermétique. En hermétisme rien n’est secret, mais le deviens pour ceux qui sont « bouchés » et ne saisissent pas que la clé de la réussite est dans le silence.

Un problème doit être soulevé, à propos du secret et du silence associé à l’initiation. Pourquoi garder secrète une cérémonie qui fait avancer ? La réponse réside dans le secret de l’école[2]. Chacun de nous n’est mûr pour une expérience qu’à un moment donné seulement. Le secret de l’initiation n’est donc pas un miroir aux alouettes. Il est capital pour la cohésion du groupe, cohésion primordiale pour parvenir à un effet de masse. C’est pourquoi Hermann Hesse disait : « Le monde sera sauvé par quelques-uns. » Être hermétiste c’est non seulement pratiquer la solidarité, mais c’est aussi vivre en totale harmonie avec ses frères en la connaissance.

Certains pourraient dire que l’initiation n’est pas nécessaire pour la cohésion d’un groupe. Il suffit de faire un bon règlement intérieur. C’est évidemment une vue de l’esprit, une conception de notre encéphale gauche… Non, ce n’est pas en bardant de règlement la vie sociale que le groupe sera pour cela harmonieux. Il est nécessaire pour y parvenir que chaque membre parvienne à un tel degré de conscience que le système policier devienne inutile. Et les transmissions les plus valides, comme celle de l’alchimie, se perpétuent depuis des millénaires sans aucun changement car personne n’a jugé utile d’un faire selon sa volonté, et donc de transmettre une connaissance de plus en plus biaisée comme c’est la cas dans de nombreux centres initiatiques[3].

Peut-on convenablement écrire ou parler du silence, alors qu’il est en permanence déchiqueté par le bruit ? L’exprimer de quelque manière que ce soit c’est l’éclater, et les bavards théâtreux qui répandent inconsidérément leur énergie à tout vent en sont les fossoyeurs.

Seuls, peuvent parler du silence ceux qui s’expriment à travers leur propre paix intérieure et qui ne se mentent pas à eux-mêmes. Le frère du silence[4] ne présente pas, à ses proches et à la société, le masque d’un personnage artificiel. Ces quelques remarques permettent de comprendre pourquoi certains groupements d’individus vivent ensemble dans une ambiance harmonieuse et d’autre pas...

Le silence du dehors, celui dans lequel notre corps est plongé et dans lequel nous vivons est du temps perforé par des bruits aussi petits soit-il.

Ne soyons pas extrémistes ! L’antagonisme du silence et du bruit s’il implique des réserves quand un dormeur ronfle à côté de vous comme un soufflet de forge, cela n’implique nullement la recherche du silence total, l’anéantissement des battements de notre cœur. Nous sommes accompagnés de sons naturels comme celui des vagues de la mer, du chant d’un ruisseau ou celui du crissement des insectes un soir d’été qui sont la manifestation de la vie et ne sauraient lui être néfastes puisque c’est la musique de la nature. Seule est fatale la pollution par des fracas issus des activités humaines et du bavardage inconsidéré qui ne sont autres que des pollutions liées insidieusement à celle des cerveaux.

Le silence reste donc une notion relative puisque notre corps émet des bruits en permanence tant par ses organes tels les poumons, le cœur les intestins et les divers muscles, mais aussi – dans l’infiniment petit – les gènes, supports de notre patrimoine héréditaire qui font du bruit quand ils transmettent de l’information à partir de l’ADN du noyau cellulaire. De même, aux confins des étoiles, là où brille l’origine de notre système solaire, se perçoit grâce aux grandes oreilles des radiotélescopes, le bruit de l’explosion initiale ou big bang. Il rayonne en permanence en bruit de fond au-delà de l’audible, et enveloppe notre univers.



[1] Léon Gineste Holoscopie de la spiritualité occidentale p.159. Éditions Memor. Bruxelles 1997.

[2] Léon Gineste L’alchimie expliquée par son langage p. 293. Éditions Dervy. Paris 2001.

[3] En alchimie quand un enseignement est perverti, ce qui arrive quand s’infiltrent des gens qui cherchent des recettes pour faire de l’or, la branche pourrie se détache du tronc et tombe, car ceux qui la pratiquent sérieusement mettent tout en œuvre pour cela. La méthode la plus courante consiste à lâcher dans la nature un sois disant haut initié en lui décernant un titre ronflant. La meute accourt et s’engouffre à ses trousses pour tenter de grappiller des secrets, laissant ainsi les adeptes sérieux œuvrer tranquillement.

[4] En hermétisme « Le silence est une condition sine qua non pour pouvoir travailler au laboratoire et à l’oratoire ». In p. 300 de L’alchimie expliquée par son langage. Op. cité.

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